Le retour en France - Juillet/Août 2014 / Back to France - July/August 2014

Nous voilà partis ; il est déjà plus de 19h00, heureusement mi-juillet les jours sont longs et nous avons le temps de prendre nos marques, manger et nous préparer pour notre première nuit en mer. Direction Cadix.
Nous établissons des quarts de trois heures afin d'avoir le temps de vraiment nous reposer (voire dormir) sans que ce ne soit trop long pour l'homme (ou la femme) de quart. En fait nous ne dormirons pas beaucoup. Quand je ne suis pas de quart, je ne cesse de penser à chaque recoin du bateau, n'y a-t-il pas un problème que nous n'aurions pas vu ? De la corrosion dans un endroit caché ? Quelque chose de prêt à casser ?
La nuit tout devient plus négatif, je suis assez inquiet et je ne fermerai pas l'œil. Le petit matin arrive enfin, bien sûr tout s'est bien passé et Roy Arthur taille gentiment sa route.

Départ d'Olhao

Premier petit déjeuner en mer. La vie a bord s'installe peu à peu

Vers 23h00 nous arrivons enfin près des côtes à proximité de Cadix, nous voyons un port illuminé comme en plein jour, on s'approche jusqu'au moment où nous nous rendons compte que c'est un port militaire ! Tout bien réfléchi nous allons nous installer dans la petite baie juste à côté. Nous ne sommes séparés que par une jetée mais personne ne vient nous voir. De toute façon nous sommes fatigués, il n’est pas loin de minuit et nous n'avons vraiment pas envie d'aller plus loin.
L'ancre descend au fond, on laisse filer la chaîne, un coup de marche arrière, Roy Arthur s'immobilise. Nous mangeons et allons nous coucher, cette fois le sommeil sera profond.
Nous nous réveillons le lendemain matin bien reposés. Je demande à Hélène: "tu n'as pas l'impression qu'il y a du vent" ? Je relève le hublot de la cabine et me fais cueillir par une bonne bourrasque : il y a 20-25 nœuds qui rentre dans notre petite anse, Roy Arthur ne bouge quasiment pas et tout est silencieux a bord. Notre voilier est lourd et bien isolé et offre un confort au mouillage que nous ne connaissions pas.
Nous partons de Cadix, cap sur Gibraltar avec une nouvelle nuit en mer en perspective. Cette fois la navigation a été bien préparée, nous avons les horaires de marée ce qui est fondamental pour passer le détroit. Si tout se passe bien nous devrions arriver avec la marée montante a Tarifa, entrée du fameux détroit. Les nuits sont fraîches en mer même en plein été et ce sera encore une nuit sans sommeil, il a des chalutiers, parfois des bouées qui marquent on ne sait quoi (filets ?) bref la vigilance est de mise. Au petit matin nous arrivons à Tarifa exactement au bon moment et c'est à plus de 6 nœuds que nous franchissons le passage.
Naïvement nous contactons les marinas de Gibraltar, il n'y a évidemment pas de place et puis finalement ce n'est pas un endroit qui nous parait génial, la fatigue peut être.


Au petit matin le froid et la fatigue se font sentir


Tarifa sur la côte Espagnole

Au loin les côtes Marocaines

Nous passons le fameux rocher et le vent se met à forcir, rien de bien grave mais avec la fatigue nous ressentons encore plus le froid du petit matin. C'est alors que je découvre une petite déchirure dans le génois. Nous le savions (très) usé mais nous espérions qu'il tiendrait le voyage de retour, il va falloir faire de la couture. Pour éviter qu'il ne se déchire plus nous gréons la trinquette sur son étai largable et enroulons le génois. Finalement Roy Arthur avance aussi vite. De tout façon il y a bien 25 nœuds de vent et grande voile haute plus trinquette se révèle être un très bon réglage. Nous apprenons !
Nous longeons la côte Espagnole et arrivons en vue de Sotogrande, il y a une marina et il y a de la place. Nous sommes fatigués et avons un génois à réparer : autant s'arrêter là. Ce que nous ne savons pas encore c'est que Sotogrande est une ville très ... upper class.
Nous expliquons par radio que notre voilier est ancien et peu manœuvrant et que nous apprécierions une place pas trop difficile à rejoindre ; pas de problème en plus il y aura des gens qui vous aiderons à vous amarrer nous répond-on. Nous arrivons en face de notre place il y a bien deux jeunes qui nous attendent en nous tenant la pendille. J'essaye de faire demi-tour pour être cul à quai, plus facile à dire qu'à faire avec Roy Arthur (en fait il vaut mieux être proue a quai avec ce type de bateau, on apprend, on apprend !), j'essaye plusieurs fois sans succès et m'énerve un peu, d'autant que les deux jeunes me répètent qu'il « suffit » de venir en marche arrière !

In fine il y en a un qui monte dans un zodiaque pour nous pousser, je le laisse faire ... rien ne se passe, il  a beau être à fond dans un nuage de bulles, Roy Arthur ne bouge pas. Je savoure ma vengeance. Au bout d'un moment il me demande de l'aider, j'enclenche le moteur et Roy Arthur arrive enfin à sa place.


La marina de Sotogrande et le rocher de Gibraltar au loin

Nous en profitons pour faire un peu de tri. A priori c'était nécessaire

Stage couture a bord de Roy Arthur
Nous restons un jour complet et en profitons pour visiter la marina. Nous découvrons un peu éberlués que la voiture de base est la Porsche Cayenne et qu'il y a des boutiques de luxe à chaque coin de rue ! Nous sommes d'autant plus surpris que le prix de la marina est très raisonnable, de même pour le restaurant ou nous nous gavons de fruits de mer et poissons.
Après cette halte "réparatrice"  nous repartons en longeant la côte sud Espagnole. Nous avons de la chance il fait très beau, pas de coup de vent en vue, c'est même la faiblesse du vent qui est parfois un problème et nous oblige à mettre le moteur en route.
Une vie paisible s'installe à bord de Roy Arthur, nous admirons les couchers de soleil et dégustons un petit muscat à l'apéritif. Seul problème pour moi je n'arrive pas à dormir lorsque je ne suis pas de quart.
Après une halte a Adra nous passons à proximité d'Alméria, nous sommes à la fois surpris et triste de voir cette mer de plastique couvrir la cote. Nous sommes face aux gigantesques serres qui fournissent l'Europe en fruits et légumes au prix d'une pollution et d'une exploitation des sols outrancières.

Nous enchaînons ensuite des étapes plus courtes car nous sommes très fatigués : toujours ce manque de sommeil. Nous faisons escales à Carboneras, Garrucha et arrivons enfin à Carthagène.

OpenCPN nous guide avec précision

Almeria et la folie des hommes

Temps idéal pour naviguer

Le régulateur barre, nous en profitons pour déguster un petit muscat

Coucher de soleil, nous nous préparons pour la nuit

Au quai d'honneur a Carthagène
Nous arrivons donc en fin de soirée vers 22h00 à Carthagène ou nous recevons un accueil extrêmement sympathique. Nous avons même droit au quai d'honneur du Yacht Club car nous avons précisé que nous ne sommes pas très manœuvrant. Nous avons aussi droit à tous les services du Yacht Club gratuitement : buanderie, piscine. La météo annonce un coup de vent,  nous décidons de rester un jour à quai : ce sera repos et visite de Carthagène.
Nous repartons et faisons halte pour la nuit à Torrvieja avant de rejoindre Alicante ou nous faisons la vidange du moteur, le plein de gasoil et de nourriture. En effet nous approchons des deux traversées qui vont nous ramener en France.
Nous partons donc pour rejoindre les Baléares et plus précisément Ibiza où nous arrivons au petit matin après une nuit éprouvante dans une mer formée. Nous ancrons dans un des nombreux mouillages d'Ibiza et profitons d'une sieste bien méritée.
Le lendemain, nous partons pour une navigation de nuit pour rejoindre Majorque. Nous arrivons trop tôt, en vue du port naturel d'Andratx, il fait encore nuit et décidons de nous mettre à la cape en attendant le levé du jour. Pour la première fois depuis notre départ il fait chaud et la mer est à la bonne température. Nous pouvons enfin nous baigner.
Le lendemain nous rejoignons Puerto Soller sur la côte nord de Majorque. Ce sera notre point de départ pour une traversée d'environ 240 milles vers Port Saint Louis de Rhône. Le soir nous renouons avec la "passegiata" et dégustons une glace. Le temps est annoncé très beau nous partirons demain matin.
Pour notre départ Majorque nous offre un magnifique dégradé de bleus avec quelques cumulus au-dessus des collines. Le temps est effectivement très beau et en début d'après-midi le vent tombe complètement. Nous admirons un superbe coucher de soleil sur une mer d'huile avec en bruit de fond le moteur qui tourne depuis des heures. Moteur toute la nuit, moteur le lendemain. Nous essayerons bien d'envoyer le spi mais il ne tiendra que quelques minutes avant que nous soyons obligés de remettre le moteur en route. La deuxième nuit en mer me fera quelques sueurs froides : il est 3 heures du matin, je surveille vaguement un petit feu vert qui me parait très très lointain ; au bout d'un moment j'ai l’impression qu'il est un peu plus proche quand soudain la lumière d'une lampe torche éclaire ses voiles ! Mais il est tout prêt ! J'éclaire aussi notre grande voile pour montrer que nous veillons aussi : on assure quoi ! A plus de 60 milles de la cote la plus proche nous nous croisons en pleine nuit à moins de 100 mètres.
En fin de matinée le vent se lève, force 4 puis 5 puis 6 et nous filons a plus de 7 nœuds vers Port Saint Louis accompagné par un BMS qui annonce un coup de vent sur le Golfe du Lyon. Heureusement le vent nous vient bâbord amure au petit largue et Roy Arthur se penche gentiment sur son bouchain.
Vers 23h00 nous arrivons enfin à l'entrée du golfe de Fos : il y a des lumières de partout et nous ne connaissons pas du tout ce bout de cote. Heureusement nous avons une bonne carte sur notre tablette et nous nous dirigeons vers le mouillage des Carteaux. Il y a du vent et des éclairs, nous sommes fatigués et nous mouillons sur un fond de vase. Je teste énergiquement la tenue de l'ancre et coupe le moteur. Le retour de Roy Arthur vient de se terminer.
Nous mangeons et nous sommes prêts à aller nous coucher quand soudain Roy Arthur se met à trembler comme une feuille. Nous sautons dans nos pantalons et enfilons une veste de quart. Il pleut dru, nous sommes trempés en quelques secondes et le vent tourne dans tous les sens. Pourvu que l'ancre tienne il y a une langue de terre derrière nous et des parcs a huître devant ! Nous laissons filer toute la chaîne et rentrons nous mettre à l’abri. Je mets le GPS en route et surveille nos mouvements. Enfin vers 3h00 du matin le vent se calme un peu et je vais me coucher.


Ibiza au petit matin

Soirée a Puerto Soler avant la traversée

Dégradés de bleus sur Majorque avant notre départ

Mer d'huile et libellule fatiguée

Sous spi

Le vent s'est enfin levé, nous fonçons vers Port Saint Louis
Le lendemain le calme est revenu sur le mouillage, nous voyons au loin les pétroliers qui attendent leur tour pour rentrer décharger leur cargaison. Nous passons la journée à ranger le bateau et nous reposer. Finalement nous avons quelques jours d'avance par rapport à notre date de retour à la maison.
Le lendemain nous levons l'ancre et allons nous mettre à couple d'un gros bateau amarré au ponton du chantier Navy Service. C'est dimanche nous avons rendez-vous le lendemain pour sortir Roy Arthur.

Je vais aux nouvelles pour savoir comment nous allons sortir Roy Arthur : comme  à Olhão avec un chariot ou bien avec un travelift ? Une personne du chantier m'explique qu'avec les dériveurs il est préférable d'utiliser un chariot. Nous nous amarrons donc au niveau de la cale de sortie. A l'heure dite un tracteur recule, le chariot passe sous Roy Arthur qui est ensuite soulevé par de puissants vérins. Nous suivons a pieds Roy Arthur qui rejoint sa place. Le ber est réglé, deux poteaux amènent une sécurité supplémentaire et le tracteur s'en va. C'est fini, notre retour d'Olhão est achevé. Nous éprouvons à la fois un sentiment de fierté d'avoir ramené notre voiler sans problème et sommes triste aussi que ce voyage soit fini, nous aurions bien passé quelques semaines supplémentaires a navigué.

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